Le dernier bain

Publié le par Soliloque

« Ah ! c'qu'on est bien quand on est dans son bain » disait Henri Salvador, c'était méconnaître les mésaventures du citoyen Marat, assassiné alors qu'il prenait son bain soufré dans l'espoir de guérir d'une maladie de peau qui lui donnait plutôt des allures de batracien que de tribun de la plèbe.

Un coup de poignard dans le dos de l'éducation nationale ?

« Dieu soit loué, David avait des élèves qui faisaient des copies – puisqu'en ces temps reculés l'élève n'était pas encore acteur de ses apprentissages : il se contentait d'imiter le maître »

Pages 15, déjà le professeur de lettre perçait sous l'auteur. Plus sérieusement, on peut retrouver tout au long du récit ce genre de petits tacles à l'éducation nationale qui vont certainement faire grincer quelques dents mais qui m'ont beaucoup amusé. Ce n'est pas sans rappeler « La fabrique du crétin » de Brigheli. J'aime tout particulièrement l'image de « l'instituteur » un peu rustre et sans instruction qu'on a choisi pour éduquer le Dauphin de France en lieu et place de Condorcet … pas sûr que l'image plaise à nos ayatollah de la pédagogie.

Que fête-on le 14 juillet ?

« Alors, pour le faire patienter, on va lui offrir une fête au peuple, une fête pour commémorer la prise de la Bastille »

La première commémoration de la prise de la Bastille se fait le 14 juillet 1790 lors de la fête de la Fédération qui vise surtout à assurer la réconciliation des français entre eux et à assurer l'unité du pays, en tout cas ce qu'il en reste. La fête de la fédération aura à nouveau lieu en 1792 mais disparaîtra par la suite. Ce que l'on fête aujourd'hui (depuis 1880), c'est bien cette fête de la fédération (de 1790) et non pas la prise de la Bastille car on ne pouvait décemment pas prendre pour fête un événement aussi sanglant. Le problème c'est qu'une fois que l'on sait cela, on a tendance à remettre en cause chaque élément historique alors que c'est l'une des rares erreurs du livre, si ce n'est la seule. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié l'utilisation de l'expression révolutionnaire « ci-devant » même si on commence à s'en lasser au bout d'une certain temps.

Versailles un monument d’orgueil ?

« J'enrage ! J'en désespoir ! J'en vieillesse ennemie » disait Desproges parodiant Le Cid. Lors de ses réflexions Jane (Suis-je le seul à avoir l'impression que toutes les anglaises de roman s'appellent Jane?) explique que la Révolution est peut-être « le châtiment de Dieu pour la monarchie, qui a voulu Versailles, ce monument d'orgueil, et qui subit aujourd'hui la pénitence des bâtisseurs de la tour de Babel ». Versailles n'a rien d'un monument d’orgueil, c'est un coup de génie politique qui a permis à Louis XIV de dominer la noblesse en la tenant au creux de sa main tout au long de son règne. Prisonnier de cette cage dorée, même le plus puissant des ducs ne pouvait contester sa puissance.

Les ambitions avortées d'un peuple déçu

« Les cheveux des filles du peuple ont longtemps dissimulé ceux des aristocrates. La roue tourne. On pourrait inverser les rôles et cacher les têtes du tiers état sous des cheveux de la ci-devant noblesse. C'est ainsi que Jean-Baptiste Billot imaginait le mot Révolutions »

L'auteur a su cristalliser toutes les attentes irréalisées (peut être également irréalistes ?) d'un peuple qui a toujours cru qu'il pourrait s'élever au rang de l'aristocratie mais qui n'a pu qu'assister à sa chute. Les gens du peuple ne sont pas devenus aristocrates, ce sont les aristocrates qui sont devenus des gens du peuple. A aucun moment la misère n'a changé de camps, les rênes du pouvoir sont simplement passés dans d'autres mains, celles de la bourgeoisie.

Notre avis :

Même si cette pierre jetée dans les jardins de Versailles et cette sombre histoire de fête m'ont donné plus de plaque qu'à Marat, le ci-devant bébé n'est pas à jeter avec l'eau du bain !

 

Le dernier bain, GwenaëleRobert

Paru le 23 août 2018 chez ROBERT LAFFONT

231 pages

18.50 euros

Publié dans Roman historique

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