Destin Français

Publié le par Soliloque

 

 

 

Dans son dernier ouvrage, Le Suicide Français Eric Zemmour s'écriait « la France se meurt, la France est morte », il se propose ici de réaliser une rétrospective de l'histoire de France comme un mourant verrait sa vie défiler à quelques secondes de son trépas. Après l'élégie vient l'oraison, une oraison qui se fera dans un silence médiatique incroyable compte tenu des ventes de cet ouvrage. Il s'agit là des conséquences de l'affaire Hapsatou Sy qui auront valu à Eric Zemmour, une expulsion nette et sans bavure du service public après qu'elle se soit plaint de la « violence de ses propos ». Une chance qu'elle ait pu intervenir, rendez-vous compte, on a failli avoir un débat d'idées à la télévision …

 

De Clovis au Comité de Salut public !

 

Eric Zemmour nous plonge dans le « roman national » à travers une fresque historique complexe où tous les grands personnages de l'histoire de France se bousculent, de Clovis au comité de Salut public pour reprendre la formule de Bonaparte si chère à l'auteur. Eric Zemmour assume tout et explique tout à travers le prisme de l'histoire. Selon lui la France revit, en un temps très court, les principales crises de son histoire.

 

Il prophétise le retour des guerres de religion, se désole de la soumission de la France à l'Allemagne et contemple, un brin mélancolique, l'épopée historique de « la Grande Nation » sombrer peu à peu dans l'oubli. Destin Français est un petit panthéon dressé par l'auteur à la gloire de l'histoire de France et de ses héros mais ceux-ci ne sont pas idéalisés et il ne se prive pas de souligner leurs défauts, leurs échecs ou leurs contradictions. Loin d'être dans la contemplation, Eric Zemmour prend parfois de véritables réquisitoires à l'encontre de certains personnages, c'est notamment le cas de Victor Hugo.

 

Victor Hugo le chantre de la culture de l'excuse ?

 

C'est l'une de mes principales divergence avec la pensée d'Eric Zemmour qui estime que Victor Hugo s'est servi d'une de ses œuvres, le Dernier Jour d'un Condamné pour introduire la culture de la compassion et de l'excuse dans la justice et la société française : « On ne sait rien du crime qu'il a commis. On ne sait rien de sa victime non plus. On ne sait rien du procès, des témoignages, des plaidoiries […] Il n'est pas dans la justice, il n'est pas dans le bien et le mal, dans le juste et l'injuste, il est dans l'émotion et la compassion, la seule compassion pour le criminel ».

 

Il est vrai qu'on ne sait rien du criminel, de son crime, de sa victime. Peut être était-il politique, passionnel ou crapuleux, personne n'en saura jamais rien. En revanche on sait que Jean Valjean, dans Les Misérables a été condamné à cinq ans de bagne pour avoir volé une miche de pain qui se transformeront en quelques dix-neuf années après plusieurs tentatives d'évasion. Difficile de dire après cela que Victor Hugo ait fait autre chose que plaider en faveur d'une justice plus adaptée à la criminalité qu'elle est censée juger.

 

Eric Zemmour explique ensuite que tous les « grands auteurs des Lumières défendent la peine de mort : Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau ». Ce n'est pourtant pas le cas du Divin marquis qui s'y oppose, peut-être avec plus de hargne qu'Hugo, estimant, à tort ou à raison, que la mise à mort de l'assassin en plus de celle de la victime est préjudiciable à la nature en ce qu'elle lui occasionne deux pertes au lieu d'une. Quant à Rousseau il est favorable à la peine de mort uniquement lorsque l'ostracisme ne fonctionne pas, on ne peut pas franchement dire qu'il soit un fervent défenseur de la peine de mort.

 

Voltaire cet odieux personnage ?

 

On entend souvent ici et là, des gens, souvent héritier d'une certaine pensée, citer quelques phrases de Voltaire, le fameux : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » qu'il n'a jamais prononcé ou brandir le Traité sur la Tolérance qu'ils n'ont jamais lu ! Lors des débats sur le voile à l'école, on a entendu le nom de Voltaire à tort et à travers et bien des personnes se sont réclamés de sa pensée pour le défendre.

 

Une simple lecture de l'Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations ou du Traité de Métaphysique, leur aurait appris qu'en plus d'être excessivement élitiste, misogyne et antisémite, Voltaire était raciste, un mauvais point pour leur cause à mon humble avis. Quoi qu'il en soit Eric Zemmour dresse un portrait très fidèle du philosophe n'en déplaise à la cohorte de chroniqueurs qui se sont élevés pour dénoncer sa récupération.

 

Destin Français, d'Eric Zemmour

 

Paru le 12 septembre 2018 chez Albin Michel

 

568 pages

 

24,50 euros

Publié dans Essai

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